Nous savons à présent que le mécanisme est
incompatible avec le matérialisme. Nous savons que le
mécanisme nécessite un psychologisme plutôt qu'un
physicalisme pour fonder les expériences cognitives. Nous
savons que le prix du computationnalisme, pour résoudre le
problème du corps et de l'esprit, est de dériver la
physique de la psychologie. La conscience ne peut plus être
considérée comme émergeant de l'activité de la
matière, au contraire nous devons, pour résoudre le
problème du corps et de l'esprit avec l'hypothèse
computationnelle, parvenir
à expliquer comment les apparences d'univers et de
matière
émergent des expériences possibles de la conscience,
c'est-à-dire, avec l'hypothèse mécaniste, des histoires
computationnelles possibles. C'est à cette tâche que je
propose de nous consacrer.
La partie démonstrative du travail
est terminée. Ce qui suit est plus prospectif.
Nous allons tenter de dériver d'abord une
phénoménologie de l'esprit à partir de l'informatique
théorique et de la logique de la prouvabilité des
machines. Ensuite nous allons tenter de dériver une
phénoménologie de la matière
à partir de la phénoménologie de l'esprit, comme le
computationnalisme nous y contraint.
L'idée de base est
simple, pour ne pas dire naïve. Je propose en effet d'interroger
les machines elles-mêmes. Plus précisément je propose
d'étudier certains discours possibles des machines digitales
universelles. Toutes les machines n'ont pas nécessairement des
choses intéressantes à dire, ce qui explique l'aspect
plus prospectif. Je propose de nous limiter aux discours
des machines qui sont autoréférentiellement
correctes --c'est-à-dire qui n'énoncent que des propositions
(arithmétiquement) vraies sur elles-mêmes-- et qui
possédent des ``capacités introspectives" suffisamment
élaborées. L'aspect prospectif n'est pas lié exclusivement
au choix de ce type de machine, mais aussi aux variantes que nous
ferons d'une des définitions de la connaissance que
Théétète propose à Socrate [Platon, 1950].
Je serai concis. A la différence de ce qui précède ce
qui suit nécessite une certaine familiarité avec la
logique mathématique et les logiques philosophiques. On
consultera les annexes ou le rapport technique ``autocontenu"
détaillé [Marchal, 1995]. On trouvera aussi dans ce
rapport une collection de motivations, notamment basées sur
l'usage du rêve en philosophie pour l'approche
théétètique de la connaissance (voir aussi
[Caillois, 1956], ainsi que les méditations dans
[Descartes, 1953]).