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Dans son article de 1989 sur la
conscience et le computationnalisme, Maudlin use d'une notion de
computationnalisme plus restreinte que la nôtre. Il estime en
effet que si le niveau de computationnalisme est quelconque le
mécanisme est d'office trivialement vrai. J'ai justifié ici que le
computationnalisme au contraire, quel que soit le niveau
fixé, entraîne l'inconnaissabilité du niveau (ce qui
n'entraîne pas la non-pariabilité sur un niveau). En
fixant le niveau au départ (comme s'il était jugé connaissable),
Maudlin n'a pas pu voir que son argument ne dépend pas du niveau de
computationnalisme, et cela explique peut-être pourquoi il semble
ne pas avoir réalisé le renversement que son argument
impliquait. Son argument (équivalent au ``graphe
filmé", Olympia y joue le rôle du graphe filmé,
[Marchal, 1988, Maudlin, 1989, Marchal, 1995]) montre,
qu'aussi fin soit le niveau, le computationnalisme rend la
supervénience physique impossible à ce niveau (ce qui oblige,
avec l'argument du déployeur universel, de rendre l'apparence de
la matière
émergeante sur les histoires computationnelles possibles
définies sur tous les niveaux digitalisables possibles). Autrement
dit Maudlin n'a pas vu que si le computationnalisme est ``(d'office)
vrai quand on ne fixe pas précisément le niveau", alors son
propre argument le force d'abandonner la supervénience physique,
et d'accepter l'interprétation ``Many Minds, No World" de
l'arithmétique. En 1994 Maudlin publie un ouvrage où il aborde
le problème de la compatibilité entre la théorie de la
relativité et la non-localité quantique. Il semble, selon
Maudlin, que si on veut conserver la théorie quantique dans un
environnement minkowskien (fut-il tiltant, c'est-à-dire aussi bien
en relativité restreinte qu'en relativité générale), il faille s'accomoder
des ``poisons" (écrit-il) sui
- abandonner l'invariance de Lorentz (principe clé pourtant de la
relativité),
- admettre une causalité du futur sur le passé,
- accepter une interprétation ``Everett-like" de la mécanique
quantique, sous la forme ``Many Minds (One World)" d'Albert et Loewer
[Albert and Loewer, 1989].
Maudlin maugrée: il n'apprécie aucun des ``poisons" proposés.
Nous avons cependant montré que le computationnalisme, où le
niveau est un paramètre, permet d'extraire, en un seul coup, une
nécessaire interprétation ``Many Minds, No World" de la
réalité arithmétique. Olympia (le ``graphe
filmé" de Maudlin, la femme-machine du conte d'Hoffmann qui inspire
Maudlin) n'a pas dit son dernier mot! Si on veut conserver le
matérialisme et un univers, on est obligé, comme Penrose,
d'abandonner le computationnalisme forcément
à tout niveau.
Penrose est un physicien qui aborde le problème du corps et de l'esprit
(PCE) dans plusieurs ouvrages qui sont devenus des best-sellers et qui sont
très controversés voir [Penrose, 1989, Penrose, 1990, Penrose, 1994]. Il
est opportun de comparer la présente approche avec celle de Penrose car
elles abordent le même puzzle (PCE), avec essentiellement les mêmes
pièces du puzzle (l'incomplétude Gödélienne et la
mécanique quantique). Les pièces sont disposées cependant de
façon quasi-diamétralement opposées. D'abord, outre le
platonisme (chez moi limité à l'arithmétique) il y a
deux importants points com
- Les phénomènes d'incomplétude s'appliquent aux
machines.
- Le computationnalisme est faux dès lors qu'on tient à
l'idée d'un univers matériel ou substantiel qui aurait un rôle
dans l'existence de la conscience. (Ce que démontre le graphe
filmé).
Les argumentations divergent cependant. Comme le computationnalisme est
notre hypothèse de travail, on a argumenté qu'on pouvait admettre
l'idée que les phénomènes d'incomplétude s'appliquent à
nous, et on a démontré (avec l'argument du graphe filmé et
l'argument du déployeur universel) que le concept d'univers substantiel
est nécessairement redondant, c'est-à-dire incapable d'expliquer
aussi bien l'origine de la conscience que l'origine de nos observations.
Penrose utilise l'incomplétude Gödelienne pour ``réfuter" (incorrectement : voir plus
haut) le mécanisme, et propose de modifier la mécanique quantique et la
relativité (ce qui est cohérent aussi bien avec Maudlin qu'avec le
présent travail) pour justifier un substantialisme non
computationnel. Au contraire, j'utilise l'incomplétude et
le mécanisme pour dériver une phénoménologie de la
réalité qui étend celle des mécaniques quantiques sans
réduction de l'onde. Ontologiquement et argumentativement, Penrose
est au pôle opposé de ce travail. Paradoxalement
peut-être, ses propositions sont cohérentes relativement au
computationnalisme, à la différence des propositions de ceux qui
veulent marier le computationnalisme avec le matérialisme, comme
celles de nombreux fonctionnalistes.}
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Bruno Marchal
Thu Apr 1 00:14:24 CEST 1999