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Jusqu'à
présent, nous avons un langage permettant de construire des
formules modales et nous avons une structure géométrique
(le référentiel) permettant la caractérisation de certaines
d'entre elles. Nous savons par exemple construire des modèles
validant
, ainsi que
des contre-exemples justifiant l'indépendance sémantique de
formules. Par exemple encore, on peut trouver une valuation sur un
référentiel transitif et non réflexif validant
et possédant un monde où est fausse. Je définis à présent une
classe de théorie modale, et une notion de
démonstration qui se comporte convenablement (de
façon correcte et complète) relativement à la sémantique de Kripke.
Grâce au résultat de complétude et de correction
(soundness) les indépendances sémantiques (faciles à
visualiser) démontrent automatiquement les indépendances
syntactiques. Plus loin j'exhibe une sémantique plus générale
attribuée à Scott et Montague [Chellas, 1980].
Définition Une théorie (formelle) est
présentée par la donnée d'un ensemble de formules
accompagnée de règles dite règles d'inférence,
permettant la déduction de nouvelles formules. Une théorie
est un ensemble de formules fermé pour l'application des
règles d'inférence.
Définition La présentation d'une
théorie est l'ensemble des axiomes choisis et des règles
d'inférence. Une théorie peut avoir de nombreuses
présentations.
Comme la logique modale est une extension de la logique
propositionnelle classique, je présente d'abord une
formalisation de celle-ci. Je choisis celle de [Kleene, 1952].
L'avantage de la formalisation de Kleene est que deux parmi ses
``affaiblissements" possibles donnent une formalisation pour la
logique quantique et la logique intuitioniste respectivement.
, , sont des métavariables représentant des formules
quelconques. Il s'agit donc de schémas d'axiomes. J'utilise
des schémas d'axiomes pour ne pas avoir de règles de
substitution difficiles et longues à énoncer:
Logiques propositionnelles faibles
On aura l'occasion de s'intéresser à quelques logiques
plus faibles, du point de vue déductif (et donc plus puissantes
du point de vue sémantique), que la logique classique. Il s'agit
essentiellement de la logique intuitioniste et de la logique
quantique. La logique intuitioniste (formalisée par Heyting,
voir Troelstra & Van Dalen 1988) peut être obtenue en
remplaçant le principe du tiers-exclu par un principe plus
faible: p →(p →q). La logique
quantique peut de même être obtenue en affaiblissant le
principe de l'a posteriori (voir annexe C). Gödel (1933) et
Goldblatt (1974) ont respectivement montré comment traduire la
logique intuitioniste avec S4 (KT4), et la logique quantique
avec B (KTB).
Les logiques modales ``Kripke-convenables"
Les logiques modales qui ont une sémantique de Kripke, possèdent
comme axiomes et règles, outre les axiomes propositionnels de
Kleene et la règle du modus ponens MP, l'axiome K et la règle de
nécessitation {pp}. Un théorème est soit un axiome,
soit une formule obtenue par un nombre fini d'applications de la
règle du modus ponens, ou de la règle de nécessitation, à partir
d'axiomes ou de théorèmes déjà démontrés. Cela va résulter des
propositions qui vont suivre et du fait (qu'on a déjà vu) que K
est respecté par tous les référentiels.
Les principaux systèmes considérés
sont K, KT, KT4 (appelé S4), KB, KD, KC, etc. où XYZ
représente ici des logiques modales avec X, Y, Z comme axiomes, et
sont fermées pour la modus ponens et la nécessitation.
Notons que la ``fermeture pour le ", la nécessitation, est
une caractéristique de la sémantique de Kripke.
On rencontrera des situations où la nécessitation, n'est pas
vérifiée, et où, donc, d'autres sémantiques, comme
celle plus générale des modèles minimaux (de Scott et Montague
selon Chellas 1980) doivent être utilisées. On rencontrera des
systèmes qui n'ont ni sémantique de Kripke, ni
Scott-Montague (G* par exemple).
Preuve. Le modus
ponens est vérifié dans chaque monde. En effet, chaque
monde vérifie la logique classique. Donc si A est vraie dans
tous les mondes, et si A →B est vraie dans tous les
mondes, alors B est vraie dans tous les mondes.
Les
référentiels respectent les formules obtenues par
nécessitation sur des formules déjà respectées. En
effet si A est vraie dans tous les mondes d'un
référentiel W, alors en particulier, pour chaque monde
ξ, A est vraie dans tous les mondes accessibles à partir
de ξ, donc A est vraie dans tous les mondes ξ du
référentiel, et donc A est respectée aussi. En
particulier si une proposition A est respectée par une classe
de référentiel, A est respectée par cette classe
de référentiel.
Donc, le respect dans un
référentiel est fermé pour la nécessitation et le
modus ponens, et cela entraîne que tous les théorèmes
de K (KT, K4, etc.) sont respectés dans un référentiel
quelconque (réflexif. transitif, etc.) L'inverse est aussi
vrai.
Idée de la preuve. La technique classique consiste à
construire un modèle canonique qui satisfait tous
les théorèmes de K (KT, K4, etc.), et seulement les
théorèmes de K (KT, K4, etc.), et à montrer que ce
modèle appartient à la classe de référentiels
appropriée, c'est-à-dire quelconque (réflexif, transitif,
etc.). Dans ce cas, si une formule est respectée dans tous les
référentiels de la classe appropriée, elle est d'office
satisfaite dans le modèle canonique et est donc un théorème de
la théorie correspondante. Les logiciens depuis longtemps
travaillent avec des modèles dont les mondes ou les univers
sont des ensembles de formules, comme les modèles de Herbrand
où les structures libres des algébristes. Un monde est
défini par un ensemble consistant maximal de formules.
Consistant est défini de façon purement syntaxique. Pour K
(KT, K4, etc.), un ensemble de formules est consistant s'il
n'existe pas de formule F1, ..., Fn tel que K (KT, K4, etc.)
démontre (F1
∧... ∧Fn). Si E est un ensemble consistant de
formules, on peut montrer que:
- E {F} est consistant ou E {F} est
consistant,
- E est contenu dans un ensemble consistant maximal,
c'est-à-dire un ensemble consistant qui contient toute formule
F ou sa négation F.
Pour définir le modèle canonique, on doit définir
d'une part le référentiel, c'est-à-dire l'ensemble W
des mondes et la relation R d'accessibilité, et d'autre part
la valuation V. On prend pour W, l'ensemble des mondes du
modèle canonique, l'ensemble des ensembles maximaux
consistants. La relation d'accessibilité R du modèle
canonique est définie par
aRb ssi
{F F ∈α} ⊆β
On peut alors montrer, c'est le point délicat,
qu'on a bien pour chaque monde α∈W que si F
appartient
à tous les mondes β accessibles à partir de
α, alors F appartient au monde α. Reste
à définir la valuation V: une formule atomique p est
vraie dans un monde si elle appartient à ce
monde. Il n'est plus difficile alors de prouver, par induction sur
la complexité des formules F, que F est vraie dans le
monde α ssi F appartient à α.
Il ne reste plus alors qu'a montrer que les modèles canoniques
de KT, KT4, ainsi de suite sont réflexifs, transitifs etc.
Cela ne pose aucune difficulté (voir par exemple Boolos 79).
% ne pas oublier : pas de métathéorème de
%d éduction! sauf dans les dérivations qui
%n'utilisent pas la nécessitation. C'est
%utilisé dans la preuve de B! cf F95 page 54-55
Remarque Avec la logique modale, le
métathéorème de déduction n'est pas valide dans
les dérivations qui utilise la nécessitation. On ne peut
pas, comme on le fait usuellement, décharger p dans
{pp}, pour prétendre, ayant obtenu {p
→p}, avoir démontrer p →p.
On a {pp} (nécessitation),
mais p →p est déjà contredit par le monde
α dans le modèle de la figure A.4.
Figure A.4: Contre-exemple au métathéorème de déduction
Tant qu'on utilise pas la nécessitation, la procédure de
déduction habituelle est bénigne.
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Bruno Marchal
Thu Apr 1 00:14:24 CEST 1999