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A quoi peut ressembler une phénoménologie computationnelle de la matière ?

Nous savons déjà que cette phénoménologie existe nécessairement (avec l'hypothèse computationnelle) et nous savons déjà à quoi elle ressemble : une relation de sélection définie par une mesure sur les états appartenant au déploiement universel.
Il est possible cependant de détailler davantage les aspects qualitatifs de la phénoménologie.

  1. La relation de sélection est conditionnelle, la mesure est définie sur des états relatifs. Par exemple dans l'expérience du lâcher de la craie à Bruxelles la mesure est définie sur des paires

    <A | B... >

    A représente l'état à la première personne d'un continuateur computationnel le plus proche, et B représente l'état de la troisième personne à Bruxelles.
  2. On a alors une correspondance entre chaque état computationnel possible et l'ensemble de ses continuateurs les plus proches (ou plutôt leurs reconstitutions virtuelles apparaissant dans le déploiement). On peut démontrer que de tels domaines de reconstitution universels relatifs sont toujours infinis. Cela peut sembler évident car on sait que le déployeur atteint tous les états accessibles une infinité de fois. Ce n'est pas évident car on peut montrer que du point de vue d'une première personne le digitalisme entraîne qu'il ne peut exister qu'un nombre fini de continuateurs le plus proche.
  3. En itérant les expériences d'automultiplication, on peut justifier l'indéterminisme mécaniste par des sondages sur la population résultante. Il est clair cependant que cet indéterminisme est purement de la première personne. Dans le cas où le domaine de reconstitution est fini, on peut argumenter en faveur de l'existence d'une distribution uniforme de probabilités sur le domaine. Il est impossible de justifier les probabilités par l'approche usant de la notion de pari. On peut cependant retrouver des justifications probabilistes par paris en multipliant, non plus des individus, mais des populations d'individus et en étudiant les sondages portant sur les sondages au sein de chaque population reconstituée. Cela permet d'introduire une curieuse ``personne" située à mi-chemin entre la première et la troisième personne, et que l'on peut raisonnablement considéré comme la première personne du pluriel. Au sein de chaque population reconstituée, l'indéterminisme mécaniste est communicable à la troisième personne: l'indéterminisme mécaniste est communicable à la première personne du pluriel. Ceci permet, à partir d'une solution au problème du corps et de l'esprit, de résoudre le problème de ``l'autre esprit" et cela protège a priori l'idéalisme objectif du computationnalisme de l'idéalisme subjectif du solipsisme.
  4. En exploitant le point précédent, et le fait que le déployeur universel génère des populations virtuelles issues de calcul très long à partir de programmes relativement courts, on peut montrer que la normalité des états (d'esprits virtuels) relatifs est partiellement justifiée par l'existence de ``petits" programmes générant une infinité non dénombrable d'histoires infinies. De telles histoires produisent des objets computationnels relativement profonds (au sens de [Bennett, 1988], voir aussi [Delahaye, 1994]). L'hypothèse mécaniste accompagnée de la thèse de Church entraîne l'existence d'une topologie non triviale sur cette collection d'histoires. Je mentionne dès à présent la ressemblance intuitive entre cette notion de normalité profonde qui émerge ici, et la notion de ``quantum-depth" proposée par Deutsch pour capturer une notion épistémologique de connaissance en mécanique quantique [Deutsch, 1985].
  5. Nous avons utilisé abondamment les notions d'état computationnel du point de vue de la première personne et du point de vue de la troisième personne. Pour arriver à la formulation précise (arithmétique) des phénoménologies de l'esprit et de la matière, et donc pour isoler la topologie sur les histoires computationnelles, il faudra arriver à définir de façon purement impersonnelle, c'est-à-dire à la troisième personne, la notion de première personne. La logique de l'autoréférence, connue aussi sous le nom de logique de la prouvabilité suggère une voie pour procéder à une telle désindexicalisation de la première personne [Smoryński, 1985, Boolos, 1979, Boolos, 1993]. Comme il s'agit du chemin que j'ai choisi pour chercher à isoler la formulation précise du problème du corps et de l'esprit promise par le computationnalisme, j'énoncerai dans la dernière section les résultats partiels obtenus. L'idée est d'étudier les discours stables des machines autoréférentiellement correctes. Les grandes catégories issues de la philosophie de l'esprit, y compris l'esprit et la matière, vont apparaître comme des variations sur les modalités de l'autoréférence.

Nous verrons alors comment la logique de la prouvabilité et ses variantes Théétètiques donnent des outils pour isoler la topologie et/ou la mesure des histoires infinies.
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Bruno Marchal
Thu Apr 1 00:14:24 CEST 1999