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Une phénoménologie de la matière est nécessaire

A présent on peut démontrer la version affaiblie (par HE) du résultat principal du travail:

Théorème 1 COMP + HE => PhMat

En français: l'hypothèse computationnelle accompagnée de l'hypothèse extravagante nécessite d'extraire une phénoménologie de la matière sans recourir à l'existence de l'univers ou d'un univers. L'hypothèse de l'existence d'un univers (HU) est nécessaire seulement pour justifier l'existence de la simulation initiale du déployeur universel. Cependant, étant donné l'existence de cette simulation, je vais démontrer qu'avec le mécanisme, il n'est pas possible d'utiliser l'hypothèse de l'existence de l'univers pour justifier les croyances et les connaissances physiques. Parmi ces dernières figurent aussi bien les sensations physiques que les lois de la physique.

Preuve: considérons une expérience de physique élémentaire, par exemple l'expérience consistant à lâcher une craie et à la suivre des yeux. Supposons pour fixer les idées que vous soyez l'auteur de cette expérience. Quelle est la probabilité que vous voyiez la craie tomber ? Notons bien que je ne vous demande pas d'évaluer la chance, à la troisième personne, que la craie tombe, je vous demande explicitement d'évaluer la chance que vous la voyiez tomber. La question est donc posée à la première personne, en l'occurrence vous.
La méthode traditionnelle pour répondre à cette question, ou à des questions similaires repose sur l'inférence inductive. Chaque fois que vous avez lâché un objet, vous l'avez vu tomber. Par inférence inductive vous évaluez la probabilité à 1. Une méthode plus sophistiquée consiste à utiliser les lois de la physique. Notons que ces dernières ont aussi été inférées inductivement. Comme la craie est un objet macroscopique la physique classique s'impose. La physique classique permet de dériver la proposition selon laquelle tout corps suffisamment proche de la terre tombe sur la terre avec une probabilité 1 (la physique classique est déterministe: idéalement toutes les probabilités valent 1).
Nous savons cependant qu'avec l'hypothèse computationnelle, par indéterminisme et non localité mécaniste, la probabilité sera proche de 1 seulement si la probabilité d'un accident cosmique --reconstituant l'état de votre cerveau dans un environnement virtuel où la craie ne tombe pas-- est proche de 0. Nous pourrions en déduire avec le computationnalisme que de tels événements accidentels cosmiques lointains sont effectivement rares. C'est ici qu'intervient l'hypothèse extravagante. En effet, quel que soit le niveau de substitution du mécanisme, celui-ci est finiment descriptible (par hypothèse du mécanisme digitale). Or l'état de conscience (de la première personne donc) correspondant à l'expérience consistant à voir la craie ne pas tomber existe logiquement et correspond donc à un état computationnel possible. Or le déployeur universel génère tous les états computationnellement possibles. Le fait qu'il génère ces états de façon lente et disparate dans l'histoire de l'univers concret n'a aucune influence sur la relation de sélection puisque celle-ci est invariante pour les délais et les lieux de reconstitution. De même, le fait qu'il s'agit de reconstitutions virtuelles n'entre pas en ligne de compte comme on l'a justifié plus haut. Donc le domaine de reconstitution relatif à votre expérience du lâcher de la craie contient un nombre gigantesque, au moins, de reconstitutions aberrantes (où, par exemple, les craies ne tombent pas). Le déployeur génère en quelque sorte une infinité de malins génies. Privilégier la ``reconstitution physique naturelle" correspondant à votre continuation dans l'environnement physique réel (non virtuel) revient à octroyer arbitrairement, avec l'hypothèse mécaniste, un statut original à un de vos doppelgängers. Et cela n'est justement pas permis par le mécanisme. En particulier, supposer que notre environnement-univers réel et concret est non digitalisable ne change rien au problème car l'existence de vos reconstitutions virtuelles dans le déploiement ne repose que sur votre propre digitalité, laquelle est assurée par l'hypothèse computationnelle.
L'unique façon de conserver les probabilités 1 de la ``vie de tous les jours" consiste donc à justifier l'usage des probabilités 1 pour les doppelgängers reconstitués virtuellement par le déployeur universel. Cela revient à justifier, sans invoquer de réalités substantielles, que la collection des ``malins génies" virtuels ou des ``accidents lointains" virtuels est négligeable ou de mesure nulle, pour une mesure définie sur les états ou sur les suites d'états computationnels apparaissant dans le déploiement. Et c'est tout ce que nous voulions démontrer.

Pour conclure cette démonstration, il n'a pas été nécessaire de définir de façon précise, ni la relation de sélection ni la mesure capable de rendre négligeable la collection des malins génies et des accidents lointains, ni de définir précisément l'espace sur lequel porte cette mesure, ni même ce qu'est exactement un état computationnel vu de la première personne. Ce qui a été démontré (avec HE), c'est que si le computationnalisme est correct, alors cette mesure doit exister et elle ne peut pas être définie au moyen de prédicats du genre ``réel(x)" ou ``virtuel(x)" ou ``A-tel-moment(x)" ou ``A-tel-endroit(x)", (x représentant un état computationnel de la première personne). Au contraire, nous sommes obligés de rendre compte de prédicats du genre ``réel(x)" ou ``virtuel(x)" ``A-tel-moment(x)" ou ``A-tel-endroit(x)" par la règle de sélection et sa mesure associée.

Remarques

Avant d'aborder le graphe filmé et l'élimination de HE, et l'élimination ``définitive" de HU, regardons à quoi peut ressembler la phénoménologie de la matière.


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Bruno Marchal
Thu Apr 1 00:14:24 CEST 1999