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Comment fonctionne la démonstration ?

L'argument du déployeur universel permet de démontrer assez rapidement le résultat principal, à savoir que le computationnalisme nécessite une phénoménologie de la matière :

COMP => PhMat

Malheureusement l'argument utilise en dernier recours une hypothèse que l'on peut juger extravagante HE, si bien que l'argument du déployeur universel montre seulement:

COMP + HE => PhMat

L'argument du graphe filmé sert essentiellement à éliminer l'hypothèse extravagante. Je procède ainsi afin de modulariser les difficultés. L'argument du graphe filmé apporte des informations complémentaires cependant, et d'une certaine façon récapitule l'argumentation du déployeur.
Pour le besoin de la démonstration et la facilité des expériences par la pensée, je vais supposer que le niveau de substitution se situe au niveau du cerveau, par exemple au niveau de la constitution biochimique du cerveau (concentration locale des ions et des molécules).
Avec le déployeur universel nous verrons que cette hypothèse n'est en rien limitative. La démonstration que je propose reste en effet valide quel que soit le niveau de substitution exigé, fut-ce l'état quantique de l'univers, pourvu que cet état soit calculé par une fonction partielle calculable. Dans le cas contraire le computationnalisme est faux, et nous sortons du cadre de notre hypothèse. J'appellerai ``cerveau généralisé" la portion d'univers qu'il faut dupliquer pour me reconstituer --autrement dit la portion d'univers (finiment descriptible par hypothèse mécaniste) nécessaire pour véhiculer mon expérience privée. On peut consulter l'annexe D pour plus de détails.

Pour une explication détaillée sur les types d'argumentations philosophiques (déductives et inductives) et de leurs types d'expériences par la pensée afférents, on peut consulter [Brown, 1991]. En gros, une argumentation déductive (à valeur démonstrative) est une argumentation telle que ceux qui admettent (momentanément pour le raisonnement) les hypothèses et n'admettent pas les conclusions sont tenus de trouver une erreur dans l'argumentation (par exemple sous la forme d'une hypothèse manquante ou d'une déduction non valide, etc.). La seule façon de critiquer une argumentation (philosophique, scientifique) de nature inductive, est de proposer une ``meilleure" argumentation. Si les chapitres 3 et 4 constituent une argumentation déductive, le chapitre 5 peut être considéré comme une argumentation inductive en faveur du computationnalisme.
Je voudrais aussi insister sur le fait que la frontière entre la science et la philosophie est vague et relative. Des hypothèses ``philosophiques" comme le sont la thèse de Church, ou le principe de réalité locale d'Einstein, peuvent avoir des conséquences ``scientifiques" vérifiables (confirmables, réfutables,...). Par exemple je montre dans les annexes que la thèse de Church entraîne l'incomplétude gödélienne (annexe B), et je montre que des propositions d'Einstein (longtemps jugée philosophiques) ont pu être réfutées expérimentalement (annexe C). A ce sujet, on peut dire que, grâce au travail de 1964 de Bell (voir [Bell, 1964] contenu dans [Bell, 1987]), un véritable champ de ``philosophie expérimentale" est apparu.
Dans le même esprit, je démontre dans ce travail que l'hypothèse ``philosophique" du computationnalisme entraîne des conséquences concrètes et testables.
La science et la philosophie sont inextricablement liées. Elles résultent chacune en grande partie, du dialogue entre ceux qui sincèrement posent la question ``vois-tu ce que je vois ?" et ceux qui sincèrement posent la question ``crois-tu ce que je crois ?". Un scientifique qui prétend ne pas faire de philosophie, est, dans le meilleur des cas un philosophe positiviste (malgré lui), et, dans le pire des cas un philosophe incapable de remettre ses hypothèses philosophiques (souvent héritées inconsciemment) en question.


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Bruno Marchal
Thu Apr 1 00:14:24 CEST 1999