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Logiques quantiques : mesures et qualia ``arithmétiques"

La façon la plus directe de comparer la phénoménologie de la matière dérivée du mécanisme et la physique actuelle consiste à comparer la ``logique empirique" des physiciens, la logique quantique et la logique de la matière dérivée ici à partir des modalités de l'autoréférence. Le fait remarquable est le suivant. Les théories Z1* et X* prouvent, avec p atomique, la formule

p →p

Il s'agit justement de la formule qui a permis à Goldblatt de construire une logique modale (fermée pour la nécessitation) interprétant la logique quantique, de la même manière que S4, ou S4Grz, permettent d'interpréter modalement la logique intuitioniste (Goldblatt 1974). Cela invite naturellement à rechercher les logiques faibles (internes) correspondantes x, x*, z, z*:

{ILS4Grz} :: {zZ1} :: {z12626*Z*1} :: {xX} ::{x12626*X*}

Cela devrait donner des interprétations arithmétiques de la logique quantique. Il faut prendre cette remarque avec précaution car nos logiques modales ne sont ni fermées pour la nécessitation, ni ne permettent un usage inconsidéré de la substitution. Ces systèmes peuvent être utilisés pour comparer la phénoménologie de la non-localité computationnelle avec la non-localité quantique. Le présent travail constitue un pont entre Maudlin 1989 et Maudlin 1994 (voir plus loin). On peut aussi utiliser les travaux de Dalla Chiara et de J. L. Bell pour extraire une notion de ``probabilité 1" à partir de ce genre de logique modale [Dalla Chiara, 1977b, Bell, 1986], voir aussi [Fattorosi-Barnaba and Amati, 1987, Alechina, 1994]. Démontrons que la phénoménologie de la matière isolée ici prouve B :

Preuve. Il suffit de montrer que G* p → p pour les formules atomiques. Comme p = p ∧p et p = p ∨p, il suffit de montrer que, si V* p, alors

V12598* (p ∨p) ∧(p ∨p)

Cela ne présente pas de difficultés particulières. La démonstration qui suit utilise le théorème de la déduction. Cela est permis pour les dérivations qui n'utilisent pas la nécessitation (voir annexe A). V* prouve p entraîne V* prouve p (car V* prouve p → p, la nécessitation n'est pas utilisée ici). V* prouve donc p ∨p, donc (V* prouvant 4), V* prouve p ∨ p, donc V* prouve (p ∨ p). On a utilisé ici le fait que G* prouve A ∨B →(A ∨B). A présent, vu l'absence de nécessitation dans la dérivation, on peut utiliser le théorème de déduction, et on obtient V* prouve p → (p ∨p). De même, la fermeture pour la possibilisation de G* entraîne, lorsque V* prouve p, que V* prouve (p ∨p). En 1936, Birkhoff et von Neumann ont en effet considéré la logique (algébrique) QL que l'on peut tirer des propositions quantiques, celles-ci correspondant à des sous-espaces d'un espace de Hilbert (voir annexe C). Cette logique est parfois appelée logique quantique minimale pour la distinguer de celle auquel on rajoute un axiome d'orthomodularité (voir plus bas). Le statut de la logique quantique concernant les fondements de la mécanique quantique, est, en fait, souvent tenu pour nébuleux. [van Fraassen, 1974] parle franchement du labyrinthe des logiques quantiques, au pluriel. La même année, Goldblatt a montré

B GOLDB(p) ⇔QL p

où GOLDB(p) constitue, comme G33, une transformation du langage propositionnel en logique modale:

GOLDB(p) = p pour p atomique GOLDB(A) = GOLDB(A) GOLDB(A B) = GOLDB(A) GOLDB(B)

[Goldblatt, 1974], voir aussi [Dalla Chiara, 1977b, Dalla Chiara, 1986]. Goldblatt utilise une présentation à-la-Gentzen de la logique quantique (voir annexe C). La raison est qu'il n'existe pas d'implication convenable en logique quantique. En affaiblissant la tautologie classique p →(q →p) dans une présentation à-la-Hilbert du calcul propositionnel classique, [Dalla Chiara, 1976] donne une telle présentation de la logique quantique, avec une implication ``matérielle" (dont l'interprétation intuitive est plus proche de la déduction cependant). Cette implication ne permet pas de théorème de la déduction. Toujours est-il que si on veut mesurer la distance entre la phénoménologie de la matière telle que celle-ci est décrite par les physiciens (actuels) et la phénoménologie de la matière que le mécanisme oblige de dériver, on peut comparer la logique quantique et une logique, que j'appelle QuelQL* (Quel Quantum Logic ?). Celle-ci est définie par

QUELQL* = {p ∀FΣ1MBFΣ1 oDEON oGOLDB(p) }

Autrement dit QUELQL* = {p Z1* GOLDB(p)   }. La part communicable est naturellement définie par

QUELQL = {p ∀FΣ1M MBFΣ1 oDEON o GOLDB(p) }

où M désigne une machine löbienne. Autrement dit QUELQL = {p Z1 GOLDB(p)   } Si on préfère :

QUELQL12603* = {p DEON(GOLDB(p) }

Il est plus simple, mais moins informatif, de comparer directement B et Z1*. Ils ont en commun tout ce que B est capable de prouver uniquement avec le modus ponens MP, mais leurs différences symétriques respectives sont chacune non vides: B et Z1* prouvent chacun , B prouve par nécessitation NEC, Z1* prouve . À présent n'est pas la traduction par GOLDB d'une proposition quantique, et il reste à mesurer l'étendue des conséquences de l'absence de la nécessitation de Z1*. Malgré l'absence de nécessitation (NEC) et de monotonie (RM), il se pourrait que QL et QUELQL* soit identique. Par exemple B p entraîne B p par réflexion (contraposée) et par MP, et ensuite, par NEC, on a B p. Z1* p n'entraîne pas Z1* p, car le schéma p →p n'entraîne pas a priori le schéma p →p (si p est Σ1, p est Π1). De même Z1* p n'entraîne pas a priori Z1* p puisqu'on ne dispose pas de la nécessitation. Cependant Z1* p entraîne effectivement bien Z1* p, puisqu'on a le modus ponens (MP) et Z1* p → p. Il y a cependant peu de chance que QuelQL* soit identique à QL, la question est de savoir où se situe QuelQL* et QuelQL dans le ``labyrinthe des logiques quantiques". Par exemple, le ``Σ1-bord computationnel" vérifie-t-il des formules de modularité, comme l'orthomodularité? Dalla Chiara 1977 donne une version modale de l'orthomodularité Ê:

(p ∧q) →(p ∧(p ∧q))

Cette formule ne doit pas être un théorème de Z1* ou de B, elle doit cependant être vérifiée pour les orthopropositions (c'est-à-dire les images de p par GOLDB). De même on peut se formuler des questions du genre : le bord computationnel viole-t-il les inégalités de Bell ? Il suffit d'appliquer GOLDB à (une forme) d'inégalité de Bell (voir annexe C)Ê: A B ⊆(A C) (B C). Cela donne Ê:

A ∧B → (( A ∧C) ∨(B ∧ C))

Avec l'absence de nécessitation et de monotonie pour Z1*, il s'agit plus de ``crédibilités quantiques relatives" que de probabilités. Un démonstration similaire montre que X* prouve B de la même façon que Z*1. Il n'y a donc pas d'analogue de la thèse d'Artemov pour la relation entre Z1* et B. Cela donne plus de possibilités pour le fil d'Ariane des interprétations arithmétiques des logiques quantiques, tout en illustrant à nouveau les subtiles nuances des modalités de l'autoréférence gödélienne.
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Bruno Marchal
Thu Apr 1 00:14:24 CEST 1999